Dans Les désarrois de Ned Allen paru en 1998, Ned Allen est notre protagoniste qui a réussi à faire sa place à New York. Responsable des ventes publicitaires pour un magazine d'informatique, il dépense plus qu'il ne gagne, anticipant l'arrivée de ses primes. Il a aussi une femme qu'il aime. Mais tout son monde va s'écrouler et nous allons suivre sa vie et ses tentatives pour redresser la barre. C'est drôle, notre héros n'a pas forcément les réactions que l'on souhaiterait, l'auteur en fait un fin portrait et c'est tellement réaliste !
Le scénario est super et les rebondissements sont inattendus.
Écrit dans les années 90, on (re)découvre les métiers à l'heure du début d'internet. C'est encore plus passionnant !
Page 288, Ned refoule un sanglot "nous essayons tellement de planifier notre vie, tous ! Comme des gosses avec un jeu de construction, nous posons les cubes l'un par-dessus l'autre, le travail, la maison, la famille, les innombrables objets absurdes que nous avons accumulés autour de nous, et nous les montons toujours plus haut en priant pour que l'édifice reste stable et solide. Mais s'il y a bien une leçon que nous donne la vie d'adulte, c'est que rien n'est stable, ni solide, ni durable. Et qu'il n'y a même pas besoin d'un tremblement de terre pour le flanquer par terre : un seul faux mouvement suffit."
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Source de la photographie |
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Quitter le monde a été publié en 2009 et traite des sujets habituels de l'auteur : fuir le monde. On suit la vie de Jane dont le père a quitté le domicile familial lorsqu'elle avait treize ans. Sa mère la tiendra responsable et on plaint cette jeune femme qui doit grandir sans un amour maternel démesuré. La vie n'étant pas un fleuve tranquille, nous suivrons ses joies et ses peines.
Le réalisme des personnages est toujours aussi frappant, l'auteur est soit un fin psychologue du moins un fin observateur. Je le trouve particulièrement doué pour décrire les mères narcissiques. J'ai un peu moins aimé ce roman car je l'ai trouvé trop romanesque, un peu trop triste. Cela n'empêche que c'est un très bon roman, aussi bien écrit que construit avec une trame travaillée et de nombreux rebondissements !
Extraits
Page 10 - Jane décrit ses parents
" Mes parents se disputaient sans cesse, avec une propension particulière à s'enflammer à certaines dates du calendrier - Noël, Thanksgiving, l'anniversaire de leur enfant unique...- où le sens de la famille était censé prendre le pas sur tout le reste et où nous aurions dû, ainsi que ma mère aimait à le répéter, nous retrouver dans "un nid douillet" d'affection mutuelle.
Mais mes parents n'étaient pas du genre "nid douillet". Au contraire, ils avaient autant besoin de cet état de belligérance permanent que certains alcooliques d'une rasade de whisky pour commencer la journée. C'était un élément de leur existence sans lequel ils se retrouvaient déboussolés, perdus, et il leur suffisait de commencer à se houspiller et à s'égratigner pour se retrouver en terrain connu et avoir l'impression de se sentir "chez eux". Plus qu'un état d'esprit, l'insatisfaction est une habitude à laquelle l'un et l'autre étaient farouchement attachés."
Page 273 - Jane doit prendre une décision importante
" Comme George Orwell l'a si justement noté, n'importe quel lieu commun contient une part de vérité essentielle. Ce que Christy venait de dire m'a amenée à comprendre que le dilemme auquel j'étais confrontée était basé sur un élément fondamental de l'analyse littéraire que j'avais déjà abondamment pratiqué : l'interprétation. Comment interpréter la part de scrupule moral dans une décision ? Comment arriver à interpréter ce qui vous arrive sans vous laisser guider par la culpabilité ? Comment mesurer à quel point vous avez besoin de plier la réalité pour qu'elle entre dans le moule de la représentation que vous avez de votre existence ? Ou encore : qu'êtes-vous prêts à accepter, ou pas, pour continuer à faire partie du concert du monde ?"
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8/10
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