J'ai découvert L'Homme surnuméraire sur Babelio avec une note supérieure à 4 (sur 5), c'est en général de bon augure ! Je me suis alors empressée de le lire ! J'accroche complètement, c'est drôle, un peu acide, on est dans la vie d'un homme "moyen", un récit sur la vraie vie. Mais voilà, ça avait bien commencé puis ... patatra ! Longueurs, longueurs, on n'en voit plus la fin...
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L'avis de Charlotte
Je n'ai aucun doute sur le talent de l'écrivain Patrice Jean, je ne remets rien en doute ! Le livre je pense qu'on adore ou qu'on déteste. Pour conclure, je reste un peu sur ma faim.
Extrait
Page 208 - Lise, la petite amie du héros donne son avis quant à l'offre d'emploi proposée (de réécrire des passages de romans).
"Si vous me permettez de dire ce que je pense de ce projet, je ne peux qu'en être horrifiée ! Comment peut-on, en toute bonne conscience, châtrer des œuvres littéraires, leur ôter leur saveur, leur venin, leur noirceur ? Il y a de beaux noirs, en art, en littérature, en peinture..."
Je fus presque aussi surpris que les autres convives par l'intervention intempestive de ma compagne, et je compris - il m'arrivait de l'oublier, pourquoi je l'aimais. Elle était plus courageuse que moi. Reconnaissons toutefois, pour alléger ma veulerie, que j'avais rendu les armes avant même de me rendre à ce dîner, et que m'asseoir à la Coupole représentait déjà une reddition. Corvec se retira à l'arrière de son fauteuil, Langlois sourit en restant coi, l'épouse Corvec but une tasse de café noir. On était venu pour me faire la leçon (du moins les Corvec), aucun des deux mâles dominants ne tenait à corriger verbalement l'aimable impertinente. Etienne Weil, peu loquace jusque-là, sentit qu'on l'invitait à prendre la parole :
" Je vous comprends, Mademoiselle. Moi-même, j'ai d'abord accueilli ce projet avec des réticences, des haut-le-cœur, pour tout vous dire. De quel droit corriger l'œuvre de grands esprits ? Et puis j'ai réfléchi (là, il se tut quelques secondes). J'ai réfléchi... Et ce que vous appelez de "beaux noirs" m'a paru une sacralisation bébête de la littérature : pourquoi voulez-vous qu'un esprit, si pénétrant soit-il, n'ait jamais écrit de sottises ni d'insanités ? Au nom de quelle superstition considérons-nous certaines oeuvres comme des textes liturgiques, que personne n'aurait le droit de toucher, ni de critiquer ? La littérature, c'est le profane, la laïcité, pas la génuflexion de l'esprit !
- Je ne parle pas de sacralisation, mais du simple respect d'une oeuvre d'art ! Et quelle outrecuidance de décider pour les autres de ce qu'ils ont le droit de lire !
- Vous en parlez aisément, répondit le directeur de collection, parce que vous avez fait des études, que vous avez développé en vous l'esprit critique. Mais pensez à tous ceux qui n'ont pas eu le temps d'étudier les lettres ! Pensez à tous ces esprits naïfs qui ouvrent, pleins d'espoir, un roman d'Apollinaire comme Les Onze Mille Verges, et qui subissent, ahuris, une épopée sexuelle de la cruauté. Pensez à tous ces esprits encore jeunes qu'un Léautaud pourrait fasciner, et dans son sillage, conduire à l'égoïsme le plus racorni, à l'écart des luttes pour le progrès... Avec notre collection, rien de semblable n'arrivera. L'Histoire avance, Mademoiselle ! Il faut, enfin, jeter le négatif, sinon l'humanité fera du surplace !"
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6/10
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