*** 8/10 *** Blackwater - Michael McDowell


La maison d'édition Monsieur Toussaint Louverture a publié les six tomes de la saga Blackwater qui s'est vendue comme des petits pains aux Etats-Unis en 1983. 

Source de la photographie

Avant tout, le travail graphique sur ces six livres est magnifique. Comme toujours, cette maison d'édition travaille particulièrement le visuel mais cette saga surpasse selon moi toutes leurs autres parutions. Il s'agit d'un format poche, la texture est travaillée sur la couverture, qui est en relief et regorge d'illustrations telles des enluminures, en lien avec le sujet de chaque tome. Le dessinateur des couvertures est Pedro Oyarbide (je vous invite à découvrir sa page Instagram). D'ailleurs, les détails de la fabrication des livres sont imprimés sur la dernière page de chaque tome, c'est appréciable ! Tout ce travail a permis de communiquer sur les réseaux notamment Instagram avec de nombreuses photos partagées par les lecteurs : ces livres sont photogéniques. Je vous invite à aller les découvrir en librairie ! Vous risquez de les trouver assez aisément en tête de gondole. 

Ils se lisent avec plaisir et se consomment comme des friandises.

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Passons à présent au cœur du sujet : de quoi parle-t-on ? Difficile de catégoriser ces livres, on oscille entre fantastique, roman young adult, littérature étrangère. Le premier tome est La Crue, on découvre la ville de Perdido en Alabama, traversée par la rivière Blackwater. L'histoire débute en 1919. Nous débarquons en pleine crue, la ville est alors submergée par l'eau et les maisons sont inondées. C'est dans ce chaos que nous allons découvrir une mystérieuse femme nommée Elinor, aux cheveux roux flamboyants, inconnue des habitants, qui aurait passé quatre jours dans l'hôtel de la ville, complètement inondé. Celle-ci va être secourue et l'histoire peut débuter !

Dans cette saga, nous allons suivre la vie de la ville, notamment de la famille Caskey, riches propriétaires d'une scierie. La perfide matriarche Mary-Love mène son monde à la baguette et nous suivrons son fils Oscar qui tentera comme il peut de prendre son envol, sa fille Sister et tous les autres membres de la famille.

La force du roman vient des personnages, très attachants, que nous retrouvons et voyons évoluer tout au long des livres. Le personnage de Mary-Love est intéressant car derrière ses mesquineries, nous pouvons retrouver les relations familiales conflictuelles et compliquées qui existent dans la "vraie vie". Je pense que chacun pourra se retrouver dans un ou plusieurs personnages, le tableau est varié et c'est une des forces du livre. Les émotions seront aussi au rendez-vous, sans vous spoiler, je vous l'annonce, tous les personnages ne survivront pas. Et c'est très bien comme ça ! Cela permet déjà de durer sur plusieurs tomes, en faisant partir et arriver de nouvelles têtes tout en permettant d'ajouter des du réel et des sensations. 

Une saga addictive

Les tomes se dévorent comme une série télé ! Déjà du fait de leur construction, de courts chapitres dont le thème et l'objectif sont bien définis. On pourrait presque lire les chapitres indépendamment les uns des autres, comme une suite de nouvelles mettant en scène les mêmes personnages. Par exemple, le premier tome La Crue est divisé en douze chapitres aux titres mystérieux (Les Dames de Perdido, Les Eaux se retirent, Les Chênes d'eau, La Confluence, Parade amoureuse, etc.). Ils se lisent avec plaisir et se consomment comme des friandises. Enfin, ils sont publiés au format poche et sont abordables, un beau cadeau à offrir !

L'auteur 

Michael McDowell a une bibliographie de dingue, normal me direz-vous, c'est son métier mais quand même. J'ai rarement vu une liste à rallonge à ce point ! Il a écrit des romans, en a co-écrit de nombreux et a écrit de nombreux scénarios pour le cinéma (par exemple le très connu Betlejuice de Tim Burton) et pour la télévision. 

Il est né en 1950 et est décédé en 1999. Stephen King est un de ses plus fidèles lecteurs et il semblerait que celui-ci se soit inspiré de Blackwater pour l'écriture de La ligne verte. 

Le style

J'ai adoré les descriptions de l'auteur, très visuelles, autant pour les décors que pour l'aspect physique des personnages. 



--- Extraits ---

p.34

"Au matin du dimanche de Pâques, Mary-Love - veuve de Randolph Caskey- et sa fille, Sister, étaient assises avec Annie Bell dans un angle de l'église. Elles seules étaient réveillées. Caroline DeBordenave et Manda Turl dormaient sur des matelas voisins; tournées l'une vers l'autre, elles ronflaient doucement. Les domestiques, étendues avec leurs enfants dans l'angle opposé, remuaient de temps en temps, poussaient un cri sourd au milieu d'un rêve de crue ou de serpents d'eau, ou encore relevaient la tête en scrutant un instant les alentours d'un oeil vide, avant de se rendormir. 

"Va te poser dehors... chuchota Mary-Love à Sister. Et dis-moi si tu vois ton frère et Bray revenir."

Obéissante, Sister se leva. Comme sa mère, elle était mince et anguleuse. Elle avait les cheveux des Caskey: fins et doux, mais sans couleur particulière, simplement ordinaires. Elle n'avait que vingt-sept ans, mais chaque femme de Perdido - blanche comme noire, riche comme pauvre- savait que Sister ne se marierait jamais et ne quitterait la demeure familiale."


Les femmes ont une place prépondérante dans le récit. Je vous laisse découvrir ce que l'auteur écrivait sur les femmes en 1983.

p.39-40

"Oscar Caskey soupira. Sans qu'il sache pourquoi, Elinor Dammert se moquait de lui. Il songea qu'elle se plairait ici, dans l'éventualité où son oncle lui trouverait effectivement un poste. A Perdido, les femmes se moquaient toujours des hommes. Les Yankees de passage logeaient à l'Osceola, discutaient avec les propriétaires des scieries, faisaient leurs courses dans des boutiques tenues par des hommes et se faisaient couper les cheveux par un homme en bavardant avec une clientèle masculine, qui allait et venait chez le barbier du matin au soir, sans jamais se douter une minute que c'étaient en réalité les femmes qui dirigeaient la ville. Sur le moment, Oscar se demanda si c'était aussi le cas dans les autres villes de l'Alabama. C'était peut-être le cas partout, songea-t-il avec surprise et inquiétude. Or, les hommes, quand il se retrouvaient, ne débattaient jamais de leur impuissance, pas plus que cette dernière n'était mentionnée dans les journaux ou abordée par les sénateurs lors de leurs discours au Congrès. Alors qu'il traversait cette forêt de pins humide en compagnie d'Elinor, Oscar réalisa que si elle était représentative des femmes d'autres villes - puisqu'elle sortait bien de quelque part-, c'est qu'ici comme ailleurs, les hommes étaient impuissants."


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8/10

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