*** 7,5/10 *** Nothing man - Jim Thompson

Excellent ! Ce livre est un vrai bonbon, se lit d'une traite, bienvenue dans la vie de Clinton Brown, un journaliste (alcoolique) au Pacific City Courier. Il a vécu la guerre et n'est pas revenu indemne, ça c'est sûr. Cinglant, ironique, très drôle ! L'humour mordant de l'auteur est un vrai plaisir. 
Bon allez, disons-le, Clinton est constamment imbibé, il passe clairement son temps à boire et peut-être à autre chose...

Chaque chapitre est constitué d'une scène. Ce qui m'a frappé est la quantité de dialogues (supérieures à la moyenne pour un roman) donc on a parfois l'impression que le récit se déroule via une succession de conversations, s'apparentant par moment plus à du théâtre qu'au roman.  

Ce qui est fou est que ce livre a été publié en 1966 sous un autre nom "M. Zéro" mais c'est un récit intemporel qui aurait pu être écrit cette année.

Source de la photographie


--- Extrait ---

Début du roman (Rivages)

"Eh bien, ils étaient tous partis, tous sauf moi : tous ces gens perspicaces et lucides, avec la tête dans les nuages et les pieds bien sur terre, tous ceux qui composaient la rédaction du Pacific City Courier. Heureux d'avoir bouclé une honnête journée de travail, ils étaient rentrés dans leurs foyers, dans le confort de leurs familles, entre les bras accueillants de leurs vaillantes petites épouses et de leurs joyeux enfants. Avec eux s'en était allé le plus perspicace et le plus lucide de tous : Dave Randall, l'éminent rédacteur en chef des pages métro. 
En partant, il s'arrêta devant mon bureau. Il avait les pieds bien sur terre - ou devrais-je dire sur le sol de la rubrique métro - mais je ne pus lever les yeux tout de suite. J'étais encore en proie à mes émotions. Comme vous vous en êtes douté, j'ai l'âme d'un poète. Je pense par allégories. J'avais dans l'esprit l'image de cette nuée de papas oiseaux, battant leurs ailes lasses pour rejoindre le nid où attendaient mamans oiseaux et oisillons. Je le dis sans honte, je ne pus lever la tête. Tous ces pères oiseaux qui regagnaient le nid alors que moi, je...
Peu importe. Je me forçai à sourire. J'avais moi aussi une famille, j'étais un membre de la joyeuse famille du Courier, si lucide, si perspicace. Quelle épouse aurait fait le poids ? Qu'y a-t-il de mieux qu'être marié à son travail ? 
Dave se racla la gorge en attendant que je parle, puis tendit le bras au-dessus de mon épaule et s'empara des dernières épreuves de ma rubrique : Aux quatre coins de la ville avec Clinton Brown. Je dois dire que le Courier sait se montrer généreux en matière de journalisme. Il aime donner à ses employés l'opportunité de "grandir". Les gens cloués derrière leurs bureaux font des reportages, les reporters restent parfois au bureau et les relecteurs comme moi peuvent exprimer toute l'étendue de leurs talents sans craindre les règles austères de la Newspaper Guild. 
Nous ne sommes pas à la botte des patrons de syndicat. Notre protecteur, ami et conseiller indéfectible se nomme Austin Lovelace, le propriétaire du Courier. La porte de son bureau nous est toujours ouverte, métaphoriquement parlant. Quiconque parle de ses problèmes à monsieur Lovelace est assuré que ces derniers seront rapidement réglés, "sans ingérence extérieure". 
J'évoquerai ces choses plus tard. J'y suis tenu car elles concernent ce que notre rédacteur en chef a baptisé "Les Meurtres du Tueur Ricanant". Ces pages relatent l'histoire de ces meurtres. Mais, pour l'instant, revenons-en à Dave Randall."

 

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7,5/10

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