Démêler le vrai du faux n'est pas une mince affaire. Dans ce premier roman très réussi, l'auteur part d'une dépêche de l'AFP qui devient le cadre de cette histoire folle. Nous nous plaisons à entrer dans la tête du jeune héros. Avec toujours un plaisir malsain de voyeurisme, nous voici happés dans la vie d'un mythomane se jouant des autres. "Je n'aime que les humiliés ; les autres ne m'intéressent pas." écrit l'auteur à la page 62, c'est bien ce que l'on ressent, sa capacité à amorcer une scène d'humiliation et la tordre en enlevant toute honte du personnage. Gênant par moment, transpirant la vérité, un régal à lire !
En se faisant passer pour le neveu célèbre tantôt de Khadafi, tantôt de Hariri, Alexandre a vite compris la puissance du nom et de l'imaginaire collectif, va se faire passer pour un jeune homme riche désireux d'acheter et aura ainsi une ribambelle d'agents immobiliers à ces pieds et de personnes fortunées lui ouvrant grand leurs portes et leur confiance...
La réalité n'est jamais loin puisque ces histoires abracadabrantes de personnes mentant comme des arracheurs de dents pour dépouiller leurs prochains arrivent régulièrement aux oreilles des journalistes.
Maîtrisé et carré, ce récit tient en haleine, dérange, chatouille par moments et nous amène à nous demander : qu'aurions-nous fait ?
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Extrait
"Je les observais chaque matin en me rendant à Paris, pendant qu'ils ronflaient, en les soupçonnant de n'être eux aussi que des imposteurs. Je m'attendais tous les jours à les rencontrer devant une tombe du Père-Lachaise ; ou bien derrière un arbre au Jardin des Plantes ; ou bien tous les deux, encore, non loin de la rue S. pendant que j'effectuais les derniers repérages.
Le soir, je retrouvais mon couple, à sa place dans le train de 19 h 37. La femme posait en face d'elle son sac à main, à ma place, pour me la réserver. J'apparaissais quelques minutes avant le départ du train ; elle retirait alors son sac et je m'asseyais. Je remerciais la femme par un sourire, et nous nous disions tous les trois bonsoir - tous les trois en ouvrant la bouche, mais sans jamais prononcer le mot. La politesse de l'habitude." (p.87)
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7/10
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